Physique médicale au féminin
À l’occasion de la Journée Internationale des droits des femmes, nous sommes partis à la rencontre de deux physiciennes médicales qui exercent à la Clinique de Genolier. Elles y ont fait leur place dans un milieu scientifique encore majoritairement masculin.
Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots le métier de physicienne médicale ?
Marie Fargier-Voiron: Bien sûr. Pour les néophytes du milieu médical, on peut dire que nous sommes un peu l'équivalent du pharmacien dans le monde de la radiothérapie. Le médecin prescrit le traitement et est aussi responsable du suivi du patient, tandis que le physicien est chargé de délivrer la bonne quantité de rayonnement, ainsi que de la manière de le délivrer et de la qualité globale du traitement. Cela inclut non seulement la mise à disposition des moyens pour offrir le meilleur traitement au patient, mais aussi le respect des recommandations internationales et la calibration précise des machines.
Comment avez-vous choisi cette profession ?
Marie Fargier-Voiron : C'est une bonne question [rire]. C'est un métier peu connu et il n'y a pas de parcours très linéaire pour y accéder. Souvent, on découvre ces professions tardivement au cours de nos études universitaires, ce sont des métiers de niche. Pour ma part, j'ai découvert le métier de physicienne médicale alors que j'étais en école d'ingénieur, et je ne m'orientais pas dans cette direction à l'origine. Ensuite, j'ai réalisé ma thèse de doctorat sur la radiothérapie, ce qui m'a orientée vers cette carrière.
Mireille Conrad : Personnellement, j'ai découvert ce métier alors que j'étais déjà en troisième année de Bachelor de physique, sans vraiment envisager cette voie. C'est un peu par hasard que j'ai eu l'opportunité de réaliser un travail de master au CHUV, et dès lors que j'ai eu un aperçu de ce domaine, j'ai été captivée. Il faut être là au bon moment et avoir un peu de chance qu'une opportunité de formation se présente.
En Suisse, il n'y a pas de filière universitaire dédiée à cette profession ; la formation implique trois années de pratique clinique. Il y a encore peu d'hôpitaux proposant cette formation. J'ai eu la chance que cette opportunité se présente au moment où j'ai obtenu ma thèse de doctorat.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Marie Fargier-Voiron : Mon premier stage était dans le domaine de la microélectronique, mais j'ai vite réalisé que passer des heures dans les salles blanches était ennuyeux pour moi, et je me sentais un peu isolée dans ce domaine. Ce qui m'attire énormément dans le métier de physicienne médicale, c'est la collaboration avec une multitude de professionnels, l'interaction avec les entreprises, et cet aspect technique et physique. Chaque nouveau système qui émerge représente un nouveau défi pour nous.
De plus, j'apprécie l'aspect pratique lié aux machines ; c'est toujours fascinant de comprendre leur fonctionnement et d'intervenir directement dessus. Il y a également l'aspect de communication avec les médecins, qui nécessite de pouvoir échanger dans un langage adapté. Nous devons également travailler avec les techniciens qui sont en contact direct avec les patients, et il est essentiel de prendre en compte leur expérience métier. Enfin, il y a les aspects liés à la radioprotection.
Tout ça fait que nous sommes amenées à endosser plusieurs casquettes dans notre métier, et dans la même journée.
Mireille Conrad : J’ai toujours voulu faire un métier scientifique. J'apprécie énormément cet aspect très concret de mon travail, de travailler sur des cas spécifiques et de voir les résultats de nos actions. Travailler dans le domaine de la santé est également très gratifiant ; même après une longue journée, savoir que nous avons contribué à aider des patients est une source de satisfaction pour moi.
Avez-vous observé une évolution concernant la valorisation et considération des femmes dans les domaines scientifiques au fil des années ?
Marie Fargier-Voiron : Dès qu'on entre dans le domaine de la santé, on remarque immédiatement une augmentation du nombre de femmes, mais lorsque j'étais en école d'ingénieur, nous étions moins de 10% de femmes.
C'est un milieu très masculin, mais je pense qu'on finit par s'y habituer. J’ai observé tout de même une évolution, bien que cela reste assez générationnel. Je me souviens d'une expérience où lors d'un oral, je me suis retrouvée face à un jury entièrement masculin, ce qui m'a semblé hallucinant. Je pense que si nous voulons faire évoluer les mentalités, il est essentiel de rendre cette diversité visible et de la normaliser.
Mireille Conrad : Je pense qu'au fil du temps, on développe une certaine forme de résilience. Lorsque j'étais à l'université, j’ai souvent entendu des phrases du genre "mais toi, tu es un peu comme un mec, tu n’es pas vraiment une fille". J'ai été confrontée à ce type de remarques et de comportements de la part d’autres étudiants.
Au début de ma formation, dans les hôpitaux, j'ai parfois ressenti qu'on m'écoutait moins en raison de mon genre, mais heureusement, ces situations restent assez rares à mon sens. Après, il m'est arrivé à plusieurs reprises dans mon entourage que des femmes soient surprises que je fasse un métier technique comme physicienne.
Une fois, alors que j'étais encore étudiante, une connaissance d'une amie m'a répondu "pourtant, tu es jolie" lorsque je lui ai dit que j'étudiais la physique. Cela m'a fait réfléchir sur ces préjugés et sur la perception des femmes dans les métiers techniques.
Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui hésitent à se lancer dans cette carrière ?
Marie Fargier-Voiron : Je pense qu'il est essentiel de se concentrer sur la réalité du métier et de ne pas se laisser décourager par les préjugés ou les comportements des autres. Si le métier vous passionne réellement, alors il ne faut pas hésiter à foncer. Il n'y a aucune raison de douter de soi-même. L'important est de rester concentrée sur ses objectifs et de ne pas laisser les opinions des autres vous influencer.
Mireille Conrad : Si vous êtes intéressées et motivées, saisissez votre chance. Il est important de poursuivre ses passions et de saisir les opportunités qui se présentent. Ne laissez pas les obstacles vous décourager, et persévérez dans la voie qui vous passionne.
Merci à Mireille Conrad et Marie Fargier-Voiron d'avoir accepté de partager leur parcours et leurs expériences avec authenticité. Un grand merci également à toute l'équipe de physique du Swiss Radio-Oncology Network, qui travaille avec dévouement pour assurer la meilleure qualité de soins aux patients. Nous saluons tout particulièrement Maud Jaccard, physicienne médicale, Nicolas Perichon, physicien médical, Sabrina Décaillet, aide-physicienne, et Cédric De Marco, dosimétriste.