The journey of female surgeons
A l’occasion de la Journée internationale des femmes, nous sommes partis à la rencontre de trois chirurgiennes qui exercent à la Clinique de Genolier. Dans un milieu encore majoritairement masculin, elles y ont fait leur place.
Merci à la Docteure Magdalena Kohlik, gynécologue et chirurgienne du sein, à la Docteure Stéphanie Seidler, gynécologue et chirurgienne du sein et à la Docteure Pauline Fillet, chirurgienne vasculaire, d'avoir accepté de partager leur parcours et leurs expériences avec honnêteté.
Comment avez-vous choisi cette spécialité ?
Dre M. Kohlik : A l’âge de 6 ans, j’ai eu un accident de ski où je me suis cassé les deux jambes. Le médecin de montagne qui s’est occupé de moi m’a fortement impressionnée et c’est à lui que je dois ma vocation.
Plus tard, j’ai rencontré des professeurs et des mentors qui m’ont beaucoup encouragée, soutenue, formée, et même permis d’obtenir une bourse pour exercer à l’étranger dans un centre renommé de chirurgie. C’est grâce à eux également que j’ai pu obtenir une formation solide de chirurgien et d’en faire mon métier.
Dre S. Seidler : Pour ma part, j'ai choisi cette spécialité pour la possibilité d’accompagner les patientes à travers les différentes étapes de leur vie et pour la sous-spécialité de chirurgie cancérologique, qui me tient particulièrement à coeur.
Dre P. Fillet : J'ai entamé des études de médecine dans l'idée de devenir chercheur en laboratoire. En première année de médecine j'ai découvert l'anatomie, qui m'a passionnée. En 2e année, je suis entrée pour la première fois dans un bloc opératoire et c'est là que j'ai découvert l'aspect concret et manuel de la chirurgie. La chirurgie vasculaire est différente des autres spécialités chirurgicales. Nous réparons les vaisseaux, dans tout le corps, et nous n’intervenons que dans des rares cas en oncologie.
Qu’est-ce qui vous plait le plus dans ce métier ?
Dre M. Kohlik : C’est le contact privilégié avec mes patient(e)s, les liens puissants qui se créent avec elles/eux, et le fait de pouvoir leur apporter une solution dans leur processus de guérison, dans ces moments incisifs.
La chirurgie est une spécialité technique en pleine évolution, le choix des différentes stratégies opératoires pour obtenir le meilleur résultat oncologique et esthétique possible font aussi partie des raisons de ma passion pour ce métier.
Dre. S. Seidler : Le fait d’intervenir dans les moments cruciaux de la vie des femmes, de pouvoir leur apporter une solution au cas par cas, traverser les épreuves et oeuvrer pour une issue favorable.
Dre P. Fillet : J’aime le côté humain et cette empathie dont on doit faire preuve au quotidien. Lorsque le patient vient à la consultation, c’est un moment qu’il peut appréhender. C’est donc à nous, en tant que chirurgien, de lui expliquer, de le rassurer et de gagner sa confiance. C'est un métier très valorisant.
Comment aujourd'hui vous sentez-vous en tant que chirurgienne dans un environnement où les hommes sont encore majoritairement présents ?
Dre M. Kohlik : Je me sens très bien dans cet environnement qui, il est vrai, est encore aujourd’hui majoritairement masculin. J’ai créé ma place parmi de nombreux collègues masculins et féminins avec lesquels j’entretiens d’excellents rapports professionnels.
Dre. S. Seidler : A ma place, en tant que femme qui s’occupe de la santé de la femme.
Dre P. Fillet : Plutôt très bien ! Durant les études, il y a eu des moments difficiles, car il y a encore beaucoup de préjugés. Aujourd’hui, il n’est pas toujours évident d’arriver dans un nouvel établissement, car il faut montrer ses compétences, probablement un peu plus que si nous étions, par exemple, un homme d’un certain âge. Nous devons faire notre place.
Je ressens beaucoup d'ouverture et d'avis positifs à l’arrivée de plus de mixité au bloc opératoire.
Ressentez-vous une évolution concernant la valorisation/considération de la femme chirurgienne ?
Dre M. Kohlik : C’est une évidence. Le temps où les patient(e)s cherchaient une relation paternaliste avec leur chirurgien est clairement révolu. Ils veulent prendre part aux décisions, comprendre ce qui leur arrive et les options possibles. Les femmes ont pris leur place, aussi en tant que chirurgiens, et font un travail remarquable. Il y a des qualités souvent attribuées aux femmes qui peuvent constituer un atout majeur dans ma profession. En ce qui concerne la chirurgie oncologique du sein, les patientes peuvent parfois se sentir mieux comprise par une femme.
Il y a des études récentes qui démontrent que les femmes chirurgiennes ont moins de complications post opératoires que leurs collègues masculins. En aucun cas il ne faudrait en conclure que les chirurgiennes sont supérieures à leurs collègues masculins, mais elles ont clairement leur place dans cette profession.
Dre S. Seidler : Les étudiantes sont majoritaires dans les amphithéâtres et ce n’est que la suite logique que l’on retrouve de plus en plus de consœurs dans les différentes spécialités, incluant la chirurgie.
Dre P. Fillet : Heureusement oui, et dans le bon sens ! De mon côté, je redoutais d'avoir des apriori de la part de mes patients, qui sont une population majoritairement masculine d'un certain âge, mais au final, absolument pas. À partir du moment où l'on explique bien les choses, avec professionnalisme, et où les patients se sentent inclus dans leur parcours de soins, ils sont reconnaissants et oublient les préjugés. J'ai d'ailleurs plus souvent eu des remarques concernant mon âge plutôt que mon genre.
Quels sont certains challenges auxquels vous avez dû faire face ?
Dre M. Kohlik : La formation et l’exercice de cette profession ont parfois été grevés d’embûches. Certains collègues chirurgiens se sont affairés à ce que je change de chemin, mais finalement cela m’a permis de me poser les bonnes questions et de renforcer ma motivation pour cette spécialité. Bien entendu, j’ai aussi fait des rencontres bienveillantes et trouvé des mentors masculins extraordinaires.
Dre S. Seidler : Je n’ai pas été éduquée à penser que je ne pouvais pas réaliser une certaine tâche en raison de mon genre, mais uniquement de mes capacités ou de mon entraînement. On ne m’a jamais inculqué que je ne pouvais pas atteindre un objectif parce que j’étais une fille. Je pratique l’équitation et c’est le seul sport mixte, il n’y a pas d’épreuves pour les femmes ou pour les hommes. On évolue en équipe avec son cheval et c’est tout. Le genre n’était (et n’est toujours pas d’ailleurs) la première chose qui définit un individu selon moi.
La première fois cependant où j’ai commencé à entendre des limitations fondées sur le genre était malheureusement en médecine, lors des stages lorsque l’on me demandait vers quelle spécialité je me dirigeais. Des phrases type « la gynécologie est une discipline chirurgicale, ce n'est pas compatible avec une vie de famille ». Ma mère étant médecin, gynécologue de surcroît, a été la preuve pour moi qu’on peut concilier vie professionnelle et vie privée. Ce genre de réflexion m’a paru complètement absurde, parce qu’en second lieu, si ma mère et d’innombrables femmes l’ont fait avant, on n’allait par conséquent pas rétro-pédaler. De surcroît en gynécologie, il m’a toujours semblé relativement intuitif que des femmes s’occupent de thématiques concernant les femmes. Dernièrement, je n’avais pas l’intention de choisir une discipline en fonction d’une vie de famille hypothétique, alors que j’étais jeune étudiante et que ces questions se poseraient plus tard dans la vie.
Par la suite de ma formation, dans certains établissements, les internes femmes n’étaient pas prioritaires, pour ainsi dire, pour les places dans les rotations chirurgicales. Heureusement, pas dans toutes les institutions, sans quoi je n’aurais pas réussi à me former. Le sentiment de révolte que cette situation a généré chez moi est à présent estompé et je suis fière de faire partie des équipes dans lesquelles j’évolue.
Dre P. Fillet : La première clinique où j’ai travaillé en tant que chirurgien indépendant. A mon deuxième entretien, je suis arrivée « très » enceinte. Le directeur était humain et très compréhensif et cela n’a posé aucun problème.
Avez-vous des enfants ?
Dre M. Kohlik : Oui, j’ai deux garçons. J’ai commencé ma formation chirurgicale avant leur naissance. C’est une question d’organisation de pouvoir mener ce type de formation en ayant des enfants en bas âge. L’organisation familiale doit être parfaite. Et d’ailleurs, nous, les femmes, sommes multitâches, non ?
Maintenant mes enfants sont des adolescents, bien dans leurs baskets et qui arrivent parfois même à exprimer le fait qu’ils sont fiers de ma profession, même si à l’époque je ne les ai pas accompagnés à l’école, ni attendu pour leurs 4 heures et ne suis souvent pas allée aux soirées des parents à l’école. Néanmoins, je me suis toujours organisée pour être là pour les moments importants et ils savent qu’ils sont ma priorité. J’ai réussi à leur transmettre qu’on peut être passionné par son travail, ce qui est important pour moi.
Avec mon mari nous avons toujours accordé beaucoup d’importance à la qualité des moments partagés en famille, autour des repas, des activités sportives et musicales.
Maintenant, ils trouvent que je travaille beaucoup trop, et que jamais ils ne travailleront autant, mais il paraît que la génération Z a d’autres priorités !
Dre S. Seidler : Deux enfants de 560 et 600kg, dont un a fait une petite dépression cet hiver, mais en pleine forme à présent. Comme tout le monde, je gère le temps tant bien que mal.
Dre P. Fillet : Oui, j’ai une petite fille de 3 ans. Mon mari et moi exerçons le même métier et c’est de ce fait facile de se comprendre. Nous n’avons pas d’aide extérieure mais avons réussi à nous organiser au quotidien.
Comment conciliez-vous vie privée et travail ?
Dre M. Kohlik : Je n’ai jamais entendu un journaliste poser cette question à un homme. Vous voyez, il y a encore du chemin à faire. D’ailleurs, mon mari travaille également à temps plein.
Pour y répondre malgré tout : ma vocation ne m’a jamais empêché de concilier vie privée et vie professionnelle. Ma vie privée me ressource, y compris dans ma vie professionnelle et ma vie professionnelle m’apporte une satisfaction qui se ressent dans ma vie privée.
Dre S. Seidler : Grâce à l’extension des horaires d’ouverture des magasins !
Dre P. Fillet : Aujourd’hui, le métier de chirurgien a beaucoup changé : nous ne sommes plus à l’hôpital de 7h à 22h, du lundi au dimanche. C’est certes un métier prenant, c’est pourquoi il est important d’avoir du soutien de la part de personnes qui comprennent notre métier et notre passion. Aujourd’hui, je suis également intégrée au sein d’une équipe, ce qui permet d'être soutenue en cas de besoin.
Que diriez-vous aux femmes qui hésitent à se lancer dans cette spécialité ?
Dre M. Kohlik : N’hésitez pas ! Si l’investissement personnel, la responsabilité vis-à-vis de vos patient(e)s ne vous fait pas peur c’est une profession qui, certes exigeante, est absolument passionnante et extrêmement gratifiante.
Dre. S. Seidler : De ne pas se limiter aux histoires de genre, le monde a déjà changé, même s’il y a encore des améliorations à obtenir. Le travail occupe une partie plus que conséquente de la vie, il est donc essentiel de s’en tenir à ce qui nous passionne pour le choix du temps qu’on a à disposition et non à des critères, susceptibles de changer, dictés par d’autres.
Dre P. Fillet : Je leur dirais également de ne pas hésiter ! Un autre conseil que je souhaiterais leur donner est de ne pas se laisser déstabiliser. Au cours de nos études, il n’est pas rare de rencontrer des personnes qui tentent de vous dissuader du haut de leur hiérarchie. Mais il ne faut pas les écouter, car nous pouvons tout faire !